Météo capricieuse, gros temps en mer… nous subissons un retard d’acheminement et le camping car ne pourra être livré que lorsque le bateau approchera des côtes. En attendant nous nous baladons à Montevideo, rafraichissons notre espagnol et nous familiarisons avec les habitudes locales (cote de bœuf maturée à tous les repas !).

 

 

Au coin du feu, sous une météo hivernale, je me remémore notre dernier coups de froid et profite de l’occasion pour vous présenter un joli moment souvenir sur les chemins du vin. 

 

 

En Février dernier alors que la neige immobilisait toute la région parisienne, nous organisions le Comité de Direction du spécialiste de l’éclairage architectural et nous avons eu le privilège de visiter le chai de la maison Faiveley en fin de travaux. Comme vous le savez peut être, nous avons une sensibilité particulière pour la biodynamie ; nous nous refusons toutefois au dogmatisme. Il existe de mauvais petits vignerons comme certains grands peuvent faire preuve d’une conscience et dans leurs pratiques privilégier une viticulture saine, raisonnée, porteuse d’avenir.

 

Nuits St Georges est sans doute l’une des villes les plus érogènes du vin ; pas étonnant que Jules Vernes en ait mis quelques bouteilles dans son voyage. A équidistance de Beaune et de Dijon, cette charmante bourgade est traversée par la grande route des vins, celle qui donne le tournis : au sud Corton, Savigny ; au nord Vougeot, Vosnes Romanée, Gevrey. Un méandre de petites rues médiévales, quelques maisons bourgeoises sans luxe ostentatoire, une remarquable église aux tuiles panachées… une élégante simplicité, une campagne idéale où tout est invitation à la contemplation.

 

Non loin du centre une enfilade de bâtiments abrite le Domaine Faiveley. Négociants, exploitants de plus de 120 hectares, cette maison à la renommée mondiale se devine à peine derrière la discrète façade. Bientôt 200 ans ! 10 hectares de Grands Crus et près de 25 hectares de 1ers Crus, dont plusieurs climats en monopole ; Ils produisent environ 850 000 bouteilles dont la moitié part à l’export, pour un chiffre d’affaires annuel de 9 millions d’euros. Le vignoble très morcelé avec l’essentiel des parcelles mesurant moins d’un hectare leur impose un travail sur mesure : chaque lot fait l’objet d’une attention particulière selon sa maturité, son sol, son ensoleillement… sans doute ici se fonde une des magies de la Bourgogne.

 

Pour synthétiser Bordeaux rassemble 38 appellations sur 117 200 hectares, la Bourgogne, elle, se décline sur 1200 climats pour une surface 4 fois plus petite (29 500 hectares)… cela se traduit par autant de nuances, de subtilité que l’Unesco a salué par une inscription au patrimoine mondial en 2015.

 

 

A ce jeu la Maison Faiveley excelle… passée la lourde porte cochère du bâtiment, nous voici dans l’antre de Bacchus. Une majestueuse nef d’acier, une enfilade de foudres de chêne et un pan de mur vitré qui met à l’honneur les vignes. Vertigineuse charpente Eiffel, les ceps au loin, la sobriété de la pierre, les barriques au chêne si sensuel : tout confère à donner à l’endroit un quelque chose de mystique et l’on peine à croire que cette cathédrale n’est utilisée que quelques semaines par an.

    

 

Nous empruntons un escalier dérobé qui nous conduit dans une crypte tout aussi intimidante. Sous 4 mètres de voute sont alignés des milliers de tonneaux, graviers au sol, dans une atmosphère sereine où certains vins patienteront plus d’un an avant d’être mis en bouteille. Sur la face du fût figure la parcelle de vin, son numéro de lot et son millésime ; une bonde fermée par un bouchon en plastique sur le dessus permet de gouter le vin: face à nous l’expression de dizaines de parcelles si proches et si différentes; étourdissant !

 

Notre guide, armée d’une pipette, nous propose de prélever à notre guise : les noms des climats s’enchaînent et nous emmènent d’un lieux-dit à un autre. Nous commencerons par les rouges ; 2017 aura été une année généreuse en volume, bien plus que 2016, et les vins sont fins, frivoles, parfois fuyants… un peu à l’image de 2007 ; ils ne se garderont pas, manquent parfois de puissance, mais ont beaucoup de fraîcheur.

 

 

Nous commençons par des Nuits St Georges Premier Cru : les Damodes, puis l’exceptionnel les St Georges qui brille par sa précision, sa profondeur et son fruit. Nous continuons par un baiser de Volnay, toujours à comparer deux parcelles voisines et poursuivons par un duel de Gevrey Chambertin 1er cru. Nous terminons par l’élixir des grands crus : Chambertin Clos de Bèze et Clos des Cortons. Nous touchons là l’excellence ; notre groupe un instant dissipé reste bouche bée. Alors qu’ils sont fort jeunes, alors que l’année n’a rien d’exceptionnelle, ces derniers vins sont uniques, ils associent à la fois finesse et puissance, fermeté et grâce, générosité et légèreté … ils envoûtent.

 

Nous prolongeons pas trois échantillons de blanc… un Givry un peu joueur, c’est le sud de la Bourgogne, la vivacité. S’en suit un très élégant Puligny Montrachet 1er Cru Champs Gain : un légère rondeur vite saluée par une tension délicate qui reste. Le dernier vin fera l’unanimité : un nez enivrant, acidulé et beurré. Une bouche ample, généreuse. Un final fin et floral… nous touchons alors la grâce et l’une de nos convives non francophone nous demande de lui traduire le nom de ce vin afin qu’elle puisse le retrouver en Hollande : « welcome fucking bastard » ! Hasardeuse traduction du Grand Cru Bienvenues Bâtard-Montrachet qui fera sourire Patrick Bobko, l’agent spécial Faiveley.

 

 

Après cet instant de grâce nous sortons de terre sous le charme, touchés par ce savoir-faire des marchands bourguignons qui vinifient avec la précision des horlogers suisses. Le terroir unique d’un millefeuille de calcaire, la patte de ces hommes de la terre, l’austérité et l’humilité qui précède l’émotion des vins… voici la Bourgogne.

 

Dirigé depuis une dizaine d’années par Erwan, le fils trentenaire de la famille, nous percevons aujourd’hui son style. Ce domaine traditionnel, fondateur de l’ordre des Tastevins, que j’ai connu en 2001, alors étudiant à l’Ecole Hôtelière de Lausanne (sponsor de l’école, nous en avions à tarif préférentiel pour nos déjeuners ;-) sommeillait gentiment. Le fiston a entrepris une mue déterminée: rénovation du chai de vinification, acquisition de nouvelles parcelles à Pommard, à Chablis et surtout travail dans les vignes. De l’avis des professionnels le saut en qualité est flagrant et le domaine fait désormais référence.

 

 

Revenant à la réalité il faut reconnaitre que ces vins sont coûteux: on le voit ici le vignoble est petit, morcelé et cela impose un travail d’artisan, minutieux et exigeant en main d’oeuvre. La terre est rare, l’élevage en fût demande de la place et du temps… la somme des coûts est sans appel. Toutefois dans ce patchwork de lieux dit certaines appellations voisines sont moins connues, moins ‘à la mode’ et ainsi un Ladoix bien exposé peut séduire autant qu’un Corton Charlemagne distant de 200 mètres. Je suis également convaincu que nous avons la chance en France d’avoir encore accès à ces vins et que pour certaines occasions un Meursault à 35€ séduira autant voire plus qu’un champagne. Même si la vinification a évoluée, et c’est suffisamment rare pour le souligner, certains de ces vins ont un potentiel de vieillissement dingue. A en voir l’intérêt de grands investisseurs tels que LVMH ou des groupes chinois cette tendance ne va pas s’inverser!

A notre niveau, nous avons pu, le temps d’une après-midi, en partager la philosophie, l’essence. Grandiose puisse être cet héritage, nous sommes conquis par la nouvelle pierre portée à cet édifice. Toujours en évolution, nul ne sait si la Bourgogne est éternelle mais une chose est sûre, ses vins nous survivrons…

 

 

Merci à la maison Faiveley pour leur accueil et l’émotion qu’ils nous ont fait partager. 

www.domaine-faiveley.com