Le marché ne laisse guère de place aux outsiders ; le consommateur est cruel. Prenant la route au sud nous traversons les régions de la Rioja et de San Juan, deux oasis de 150 000 habitants chacune, distantes de 500km, où même les locaux ne savent pas qu’on y produit du vin. Pourtant, sorti du désert, le long de la route, ce n’est qu’une succession d’oliviers, d’orangers et de vignes. La plupart des récoltes du coin sont bradés aux négociants de Mendoza qui mettrons un anonyme ‘vin d’Argentine’ sur la bouteille…. Comme si nos vins du sud-ouest étaient commercialisés par les vignerons bourguignons.

 

Ici, à San Juan, on est un peu comme en vallée du Rhône ; le climat sec ?est propice à la culture, au loin les sommets andins dessinent l’horizon et à longueur d’année souffle le Zonda, un vent chaud qui fait fondre les neiges et alimente la ville en eau. Dans la banlieue de cet Avignon, c’est un fou, un pape, que nous allons rencontrer. Miguel Mas, prof à l’université, est un amoureux de la vigne. Il a acquis 2 hectares de terres idéalement situées sur une nappe phréatique et autour d’un hangar a rapatrié des pieds de vignes anciens, ugny, chardonnay, cabernet sauvignon. Bucolique à souhait il a planté en tête de lignes des rosiers, puis ça et là des arbres de vergers, des pieds de tomates et des oliviers. Amoureux de la nature et du vivant il met ici en pratique une approche biodynamique et rassemble également dans sa ferme des lapins, des poules, des moutons qui tous contribuent à cet écosystème ???

 

Le seul engrais qui l’emploie pour fertiliser est issus de cornes qu’il enterre ; il taille selon les lunes ?, il bannie l’irrigation qui appauvrit les sols et humblement dans son verbe nous percevons cette conscience qui va bien au delà de son seul vin : génial ?

 

Sa production se résume à une bulle ?; son vin blanc est élevé en bouteille capsulée, lentement tournée pour en supprimer le dépôt puis à la main ce flacon est décapsulé, on y ajoute alors la liqueur avant de refermer avec un bouchon de liège à muselet. La vraie méthode de Reims, le graal ! A la dégustation nous aurons le privilège de goûter à tous les niveaux de liqueur de sucre pour finalement fondre devant l’extra brut. Une couleur lumineuse, un nez vif et floral. En bouche l’attaque finement pétillante révèlent le chardonnay, la bulle est délicate, toastée et frivole. La fraicheur sauvage du non-dosé vous envahit et l’ugny signe une finale minérale inattendue. Ce champaña, comme il le signe, a tout d’un grand : on a à l’esprit le triple zéro de Jacky Blot voire même le champagne Jacques Selosse.

 

L’homme est un taiseux, un discret ; il rentre d’un mois en France où il a arpenté le vignoble plein d’admiration. Il croit, il pense et imagine une agriculture vertueuse, responsable et respectueuse du vivant. Son regard profond porte à la fois l’espoir et la désillusion de la réalité Argentine : OGM ?, déforestation?, économie à bout de souffle ?. Il regrette l’absence de label, d’organisme et le peu d’intérêt pour le bio mais, seul, fait son chemin ; il ne fustige pas les grands, c’est juste un autre monde et comme Pangloss « il cultive son jardin ».

 

6000 bouteilles par an vendues 5€ après 3 ans de garde ! Nous repartons avec quelques victuailles ? et beaucoup d’espoirs : gelée de raisin, vinaigre balsamique, huile d’olive, confiture de tomate verte, asperges… ce petit jardin est bio mais avant tout ce qu’il y produit est bon et sincère. C’est d’ailleurs la première fois en quatre mois que l’émotion nous emporte ?; et même si la petite taille peut prêter à sourire, ici est la démonstration que nous attendions : il existe un terroir Argentin.

S’il est une capitale du vin dans l’hémisphère sud, c’est elle ! Nous poursuivons notre route au sud pour rallier ce Bordeaux au pied des Andes et tenter de percer les mystères de Mendoza. Au prochain épisode nous rencontrerons des compatriotes qui ont, il y a 20 ans, parié sur l’Argentine, quitte à faire tapis… vendre tout en France, laisser enfants et sécurité de l’emploi pour un pays en crise ; l’histoire leur donnera t’elle raison ?

Cette rencontre pétillante avec ce viticulteur touchant illustre une citation d’Henry Ford ?, le visionnaire industriel américain : « la qualité, c’est faire les choses bien quand personne ne regarde ».

https://www.facebook.com/champaneramas/

A très vite ?