Quelle meilleure introduction que ce dicton tibétain pour résumer le génie du projet « Colomé ». Prenez un Suisse fortuné (si, si, ça existe ? ) et offrez lui de réunir en un lieu sa passion pour les montagnes et son goût pour le vin : ainsi naît le vignoble le plus haut du monde. Un mythe, un caprice… regardons de plus près.

 

C’est en 1998 que Donald Hess, homme d’affaires suisse, s’est lancé dans l’aventure sud-américaine. Ce dernier a fait fortune dans le commerce de l’eau minérale, du vin et de l’art contemporain.

 

 

Au sud de Salta, une heureuse ville du nord argentin, nous franchissons un premier col et arrivons subitement dans un désert d’altitude aride. Le décor ici rappelle l’ouest américain, entre cactus et canyons aux couleurs ocres. A Salta, il pleut, 15 degrés en cette période…? Dans la vallée voisine, à moins de 30 minutes de route, nous nous réjouissons donc d’un grand ciel bleu et de 30 degrés ?

 

Tombé amoureux de la région il aura fallu près de 10 ans à notre magnat helvète pour acquérir et planter près de 350 hectares (gigantesque !!!), canaliser une rivière pour irriguer, créer une centrale électrique et rénover un village. Depuis 2006 le domaine produit des vins d’altitude (ceux pour lesquels nous sommes venus) qui s’étendent sur 70 hectares, de 1700 à 3200m au dessus de la mer.

 

 

 

Même dans ce désert sec si haut perché, la parcelle ultime subit d’importantes variations de temperatures  ❄️ et il leur faut lutter contre le gel. Un système « d’arrosage » par aspersion permet ainsi de créer une fine pellicule de glace qui protège les premiers bourgeons des frimas du printemps. Autour du chai, à 2400m, se trouvent d’autres parcelles plus anciennes… on y arrive par la fameuse Ruta 40 qui traverse l’Argentine jusqu’à Ushuaia. Ici rien de fameux, c’est une affreuse piste non-asphaltée, un calvaire de 5h (seulement 100 km) qui a eu raison de l’un des amortisseurs de notre « vaisseau lapicole ». Le jeu en valait la chandelle : certains pieds de vignes cultivés en parral (pergola) ont 200 ans, toutes sont très âgées, et de plein pieds (contrairement à l’Europe, le phylloxera n’a pas frappé l’Argentine et les pieds de vignes sont originels).

 

En un mot: superbe !

 

 

 

Le chai, vous vous en doutez, est à la hauteur du projet…Tout de verre et de béton, l’architecture met en scène le paysage et vous invite à la détente, au plaisir et à la contemplation. Les installations comprennent également un hôtel, un restaurant gastronomique et une collection d’art moderne… nous sommes à plus de 2h heures de piste du moindre village, autant rentabiliser le trajet ?

 

 

« Aller plus haut, se rapprocher de l’avenir » Paraphrasant la poétesse Tina Arena, je dois vous avouer être conquis par l’idée de voir la vigne s’épanouir au sommet. A cette altitude, la maturation des raisins est plus lente, il y a peu de parasites et l’acidité est plus marquée. Le domaine s’est d’ailleurs engagé dans la biodynamie dès ses débuts en utilisant un compost naturel et en bannissant les engins agricoles : génial. Malheureusement, selon Pedro (notre guide), n’arrivant pas à lutter efficacement contre les fourmis (?certes ici elles sont géantes) ils ont du se résoudre à employer la chimie et ont abandonné leur certification Demeter depuis 5 ans. Maudites fourmis… à croire que ce choix ne serait aucunement dicté par de vils intérêts financiers…

 

 

Un comble : interdiction de marcher dans les vignes ‘bios’ … vous risquez de les contaminer ?

Et dans le verre me direz-vous ?

 

 

Du blanc, un torrontès local marié à du sauvignon, dans une mise numérotée. Frais, vif et fruité. Elevé en fut français, une belle minéralité ferme la bouche et invite à en reprendre une gorgée. C’est original, c’est nouveau et cet assemblage ‘misterioso’ ne manque pas de finesse.

 

 

 

 

 

 

Côté rouge le Malbec est roi. Une cuvée ultra-vieilles-vignes met à l’honneur les antiquités maison et les parcelles sont déclinées selon l’altitude : ici l’altimètre fait le terroir. Ces vins sont fondus, les tannins soyeux, le bois discret et le malbec ne confiture pas ; fruité, riche, légèrement épicé nous voici dans la lignée des nouveaux grands Languedoc avec un je ne sais quoi de plus. A mesure que l’on grimpe le vin gagne en fraicheur, en tension, en élégance. Le 3200m se révèle un nectar d’une rare intensité : le verre, littéralement teinté rubis, laisse de généreuses cuisses se former, la mâche puissante délivre des arômes complexes de cuir, de sous-bois, de truffes et la finale vous porte l’estocade par un trait de fraîcheur. Un grand vin avec un formidable potentiel de garde; une première dans notre périple.

 

Quelle expérience ! Nous quittons le domaine conquis, avec le sentiment d’avoir appris de la quête de cette alpiniste. Le site, l’histoire, l’accueil, les crus; tout concoure au charme de ce 3 macarons oenologique… comme l’on ressort d’un grand restaurant étoilé on a cette culpabilité délicieuse d’avoir vu le temps se suspendre, un pur moment de grâce où tout, jusqu’au prix, est… astronomique ?.

 

L’Argentine se révèle pleine d’invitations et de coups-de-cœur. Déjà 15 000 km de parcourus, nous poursuivons la traversée du nord ouest argentin (NOA pour les branchés) dont les paysages rappellent ceux des westerns avec, en toile de fond, vignes et sommets enneigés des Andes.

Au prochain épisode nous irons à Cafayate, en terre de blanc et découvrirons le vin orange, une façon de vinifier comme le faisaient les gaulois. A Mendoza, ensuite, nous poserons la question qui fâche : pour ou contre les vignes sous perfusion ?

 

 

Rodéo et Empanadas, une belle façon de finir cette journée au pays des gauchos ?

Pour vous dire à bientôt j’emprunte ces mots au plus suisse des auteurs français :

« Le bonheur est la seule chose que l’on puisse donner sans l’avoir, et c’est en le donnant qu’on l’acquiert » 

Voltaire